« Un jour ce sera vide » d’Hugo Lindenberg

Le narrateur, 10 ans, dont le nom n’est jamais donné, s’ennuie pendant ses vacances d’été qu’il passe près de sa grand mère juive polonaise et sa tante schizophrène. C’est un enfant anxieux, triste et solitaire, qui se refuse à vivre sa vie et que les autres terrifient, agacent ou humilient par leur simple existence , même sa grand-mère adorée qui n’est quand même pas trop sortable et son affreuse tante obèse et folle (spoiler : c’est la gentillesse même). Et surtout, il a a cette pierre qui lui pèse sur le coeur et dont il refuse de dire le nom.

Puis paraît Baptiste.

Baptise a tout : un prénom, c’est-à-dire une existence, une mère parfaite, une famille idéale. Baptiste est aussi blond, heureux et insouciant que le narrateur est une boule d’angoisse permanente, brune et renfrognée. Comment Baptiste peut-il vouloir être son ami ? Et pourtant, Baptiste l’accueille les bras ouverts dans son univers de douceur estivale, avec ses bords plus tranchants qu’un couteau et son poison de méduse qui s’infiltre jusque sous son âme…

***

J’avais lu une critique exhaltée du livre dans le Nouvel Obs, et je m’étais dis que j’allais laisser une chance au livre, même si je suis rarement aussi exhaltée que l’Obs par leurs choix. Mais ce livre-là est une petite gemme.

Pour un premier roman, c’est un coup de maître. Je ne dirais pas qu’il n’a pas de défauts, même si ils honnêtement sont peu nombreux, mais il est presqu’entièrement parfait.

Je déconseillerai cependant le livre aux schizophrènes et aux femmes obèses n’étant pas un peu blindées, parce que même si la haine viscérale que le narrateur ressent pour sa tante s’explique par son caractère, l’auteur charge beaucoup la mûle, et c’est franchement pas agréable à lire quand on est (partiellement ou complètement) la cible. Mais encore une fois, ça correspond aux pensées du personnage, un petit garçon écrasé par sa différence et la comparaison avec la vie rêvée des autres, et ce n’est pas l’auteur qui se regarde écrire et vomir sa haine (ce qui arrive trop souvent).

La fin risque aussi de laisser pas mal de lecteur en plan. J’avoue moi-même ne pas savoir comment l’interpréter, mais ça ne me dérange pas outre-mesure.

Pour le reste, Lindenberg se glisse avec une facilité déconcertante dans la psychée enfantine. Son évocation du malaise permanent de la différence, de la honte poignante de comparer ses proches avec les ombres brumeuses et rêvées des autres et de les trouver inadéquats, voire même carrément indignes, tout ça ressemble tellement à s’y méprendre à mes angoisses de gamine, que j’accuserais presque l’auteur d’avoir plagié mon enfance.

Sa construction par petites touches subtiles de la violence des passions enfantines qui peuvent, en une flambée brusque, ou dans la douceur la plus glaçante, glissée vers le drame, est absolument extraordinaire.

Une méduse, une fourmi, un Playmobil, il faut peu d’effets spéciaux pour disséquer un cœur d’enfant et dévoiler un univers intérieur d’une complexité effrayante. Ajoutez-y un enfant avec un grave traumatisme personnel, et vous brûlerez la moitié des plages de Normandie.

*image d’en-tête tirée de cet article du Télégramme.

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